CAP2A
Cercle amical des plongeurs autonomes de l'Agenais
Plongée requins : Le Requin longimane
(SOURCE : SCUBA-PEOPLE.COM)
Texte & illustrations : Steven SURINA
Dans le cadre de la série d'articles au sujet des requins, nous vous proposons de découvrir dans cette page le requin longimane (Carcharhinus longimanus).
LONGIMANUS : DESCRIPTION
C’est un requin très facile à reconnaître avec sa forme à la fois fusiforme et massive. Il possède de très grandes nageoires pectorales et une première nageoire dorsale très haute. Les extrémités de ces trois nageoires sont arrondies et de couleur blanc nacré. Certains scientifiques pensent que cette particularité attirerait par contraste, taches claires, blanches dans le bleu, les prédateurs de rang inférieur afin d'en faciliter la chasse. Son corps est gris, bronze et beige sur le dessus et blanc au-dessous. Il est très souvent escorté de poissons pilotes (Naucrates ductor) et de rémoras (Remoras sp.). À ne pas confondre avec les requins à pointes blanches de récif (Carcharhinus albimarginatus) ou avec le requin corail (Triaenodon obesus).
LONGIMANUS : HABITAT
Le requin océanique est épipélagique. On le trouve en pleine mer dans toute la ceinture tropicale. Il ne s’approche que rarement des côtes, pour fréquenter les tombants et les passes. Cette espèce préfère les températures d’eau supérieures à 20°C et vit entre 0 et 180 mètres de profondeur. La dynamique et la structure de leur population sont mal connues. Il serait solitaire d’après certains biologistes, mais pourrait se déplacer en groupes selon d’autres. Les mâles et les femelles seraient non-grégaires une partie de l’année pour finalement se retrouver autour des îles océaniques pour se reproduire, dans le courant de l'automne. Ils suivent régulièrement les communautés de mammifères marins - dauphins, globicéphales - en haute mer.
LONGIMANUS : ALIMENTATION
Opportuniste, il se nourrit de tous les poissons océaniques osseux - thons, barracudas, marlins - ou cartilagineux - raies, autres requins - de calmars, de cadavres de baleine, de tortues, de mammifères marins et même d’ordures ! Comme le requin tigre (Galeocerdo Cuvier), il fait office de “poubelle des mers”. Maraudeur de haute mer, la rareté de ses proies potentielles le pousse à attaquer sans préavis quand une occasion se présente. Il se nourrit principalement près de la surface.
LONGIMANUS : RENCONTRES AVEC L'HOMME
Le requin océanique fait partie des espèces de requins dites potentiellement dangereuses pour l’homme, bien que du fait de son habitat, il soit rarement confronté aux humains en dehors des naufragés et des plongeurs. Bien que peu d’attaques lui soient officiellement attribuées, certains scientifiques considèrent le requin longimane comme étant celui qui a le plus souvent attaqué l’homme; cela ne signifie pas nécessairement attaques mortelles ou morsures mais surtout charges d’intimidation; mais comme il n’est question que d’attaques hypothétiques sur des naufragés, celles-ci n’entrent pas dans les statistiques. Il affiche cependant un comportement inquisiteur envers les plongeurs et n’hésite pas à se rapprocher de très près. Sa section interne étant inférieure à 3 mètres, il est donc rarement timide lors de ses rencontres avec l’homme. Il peut être territorial voire agressif s’il est sous stimulation alimentaire.
LONGIMANUS : RÉPUTATION
Le requin océanique est également appelé le « requin des naufragés ». Puissant prédateur dans sa niche écologique, le longimane fait partie des requins les moins craintifs en présence de l’homme. Son mode de prédation, les rares rencontres entre lui et les humains, sa taille et son régime alimentaire, en font l’un des requins les plus vifs et les plus inquisiteurs de la zone 0-10 mètres. On lui attribue une partie des pertes des naufragés de l’U.S.S Indianapolis qui coula au large des Philippines en Juillet 1945. Il est considéré comme le quatrième requin le plus « dangereux » pour l’homme après le Requin tigre (galeocerdo cuvier), le requin bouledogue (carcharhinus leucas) et le Grand requin blanc (carcharodon carias). Cela étant, il est préférable de dire qu’une situation est à risque, voire dangereuse, plutôt que de dire qu’un requin est dangereux ! Cependant, il convient d'afficher le plus grand respect des consignes de sécurité en présence de ce requin pour ne pas envenimer les situations.
OBSERVATION N°1
Le requin océanique ne réagit pas de la même manière en fonction des régions, de son âge et du nombre d’individus. En effet, son comportement sera différent si le requin est seul ou en nombre, s’il est habitué aux plongeurs ou non et s’il évolue avec des humains en surface, en plongée bouteille, proche de la surface ou à des profondeurs plus importantes.
OBSERVATION N°2
Les rencontres avec le « longimanus » sont multifactorielles et prennent en compte plusieurs critères non négligeables tels que:
– Le comportement du plongeur – positions et attitudes : calmes, neutres, excitées ou paniquées
– La situation spatiale du plongeur - dans le bleu, sur le récif, sous le bateau ou en pleine mer
– La profondeur du plongeur - au-dessus, au même niveau, au-dessous du requin ou en surface
– La distance entre l’homme et l’animal.
OBSERVATION N°3
L’aileron blanc du large est un poisson avec lequel il est facile d’interférer car, peu farouche en présence de l’homme, c’est lui qui s’approchera des plongeurs et qui décidera des interactions. Jusqu'à aujourd’hui, huit types d’approches différentes ont pu être observées. Chaque action entraîne une réaction. C’est sur ce thème multifactoriel qu'est basée l’étude de ces approches.
APPROCHES PASSIVES / ATTITUDES CURIEUSES
PASSAGE
Le requin est en phase d’observation sur sa zone d’évolution. Sa nage est calme, dirigée vers ce qui a suscité son intérêt. Il passe tranquillement aux abords du ou des plongeurs dans sa section interne afin de recueillir un maximum d’informations, envoyées par les signaux de son sujet d’étude, l’homme. Généralement, sa seule limite spatiale est la surface.
Donc : Éviter un séjour prolongé en surface qui pourrait renvoyer un message différent au requin et donc transformer son comportement.
APPROCHE LATÉRALE
Le requin nage latéralement à côté du plongeur afin de rassembler des informations à l’aide de sa vue, de ses lignes latérales et de ses ampoules de Lorenzini. En se montrant parallèlement au plongeur, il exhibe sa taille et sa puissance face à cet inconnu qui a pénétré son territoire. Il nage à la limite, voire à l'intérieur de sa section interne en dessinant des phases d’approches en « 8 ».
Donc : Maintenir une position verticale, ne pas s’agiter, ne jamais se retrouver en surface.
PATROUILLE TERRITORIALE
Le requin inspecte son territoire avec des trajectoires dirigées vers le plongeur. Sa nage est modérée mais parfois vive, avec des prises d’accélération. Ses mouvements, vifs autour du plongeur, ne sont pas agressifs. Il montre une fois encore seulement sa supériorité territoriale par son langage corporel. Le plus souvent, ce comportement s’observe sous les bateaux de plongée qui peuvent être assimilés à une source potentielle de nourriture. Ses limites spatiales sont la surface, la zone du bateau et la zone d’évolution du plongeur, ce qui explique l’anxiété du requin dans ses mouvements.
Donc : Afin de ne provoquer aucun changement d’attitude du requin en réponse à notre « intrusion », il est préférable de quitter la zone calmement, en gardant une position verticale et un contact visuel avec l’animal, sans jamais reculer devant ses approches comme le ferait l’une de ses proies naturelles.
CAUSES & MOTIVATIONS
- Curiosité
- Inspection du territoire
- Indifférence
- Peur
APPROCHES INQUISITRICES / ATTITUDES DOMINANTES
Les approches décrites ci-dessous sont toujours le résultat du non-respect des consignes de sécurité impératives que demande l’interaction avec cette espèce. Redisons-le une fois de plus : il n’y a pas de requins dangereux, il n'y a que des situations dangereuses.
CHARGE FRONTALE
Cette charge d’intimidation, essentiellement basée sur un comportement territorial nous présente ici un requin nerveux. L’animal fait face au plongeur et s’agite dans les derniers mètres de son approche. Malgré la vivacité de l’interaction, le requin n’est pas agressif et ne s’acharne pas. Deux scénarios sont alors envisageables : soit le requin est dès le départ en phase d’approche inquisitrice à cause des signaux envoyés par le plongeur, soit il réagit à un changement d’attitude de la part du plongeur à son approche, lié aux signaux de stress envoyés par le plongeur qui ont fait passer le requin en statut de dominant.
Donc : Il est préférable de quitter la zone sans perdre trop de temps, avant que le requin ne devienne trop inquisiteur. Il faut aussi, toujours, garder une position verticale, un contact visuel et réagir le moins possible à ses approches.
APPROCHE "ANGLE MORT"
N’importe quel photographe sous-marin qui se respecte le sait, ne fixe jamais un poisson dans les yeux avant que ce dernier ne soit à portée de flash. Les animaux marins sont sensibles au regard. La nature a par exemple doté le poisson papillon citron (Chaetodon semilarvatus) d'une tache bleue sous l'œil ; cela le fait paraître d'une taille plus importante qu'il n'est, pour intimider ses prédateurs potentiels. Plus l’œil est gros, plus le poisson paraît gros ! Vous l’aurez donc compris, les poissons n’aiment pas se sentir regardés, moins encore observés, car cela est l’attitude d’un prédateur intéressé par une proie… Au sommet des chaînes alimentaires, il est rare que les requins se sentent observés. Quand cela arrive, ils deviennent timides voire peureux et cherchent par tous les moyens à contourner cette gêne, soit en disparaissant, soit en sortant de votre champ visuel – cf. pages précédentes. Lorsqu’un longimanus sort de votre champ de vision, il est intrigué par votre absence de réactions à son approche. Généralement, quand il s’approche d’un plongeur, le requin reçoit en réponse des signaux électriques envoyés par le cerveau et les muscles du plongeur - stress, augmentation du rythme cardio-pulmonaire, etc... Hors de votre champ visuel, vous réagissez différemment et n’envoyez donc plus les mêmes messages, ce qui a pour effet d’inciter le requin à se rapprocher plus près encore, parfois même jusqu’au contact, en quête d'informations complémentaires. Basée essentiellement sur de la curiosité, cette approche en angle mort, si elle se répète trop, peut se transformer en ronde inquisitrice en vue de recherche de nourriture ! Souvenez-vous, en tant que maraudeur charognard opportuniste de surface, si vous ne réagissez pas aux approches de ce requin, il peut dès lors vous considérer comme une source potentielle de nourriture !
Donc : Ne jamais perdre le contact visuel avec le requin et toujours se tenir à la verticale.
APPROCHES CROISÉES
Cette phase d’approche comporte plusieurs aspects. En effet, le requin nageant au-dessus des plongeurs est déjà en situation de dominant – cf. article Le Mag N° 57, sur les zones et espaces d’évolutions. Il ne considère donc pas le plongeur comme une menace potentielle. De plus, il adopte une nage rapide, saccadée, avec rabaissement des nageoires pectorales et points d’approche bien définis. Son comportement inquisiteur est basé sur de la territorialité. Le requin océanique cherche alors à intimider le plongeur pour le chasser de son territoire. Afin d’y parvenir, le requin survolera la zone d’évolution de l’intrus à vive allure avant de descendre sur lui. Il se livrera à ces approches à un rythme soutenu en croisant ses angles de haut en bas et de bas en haut jusqu’à ce que le plongeur quitte la zone. Éprouvante, cette phase d’interaction peut conduire le requin à une ronde inquisitrice si vous ne quittez pas la zone rapidement.
Donc : Le moins d’agitation possible est recommandé, en position verticale et contact visuel permanent, tandis que l'on quitte la zone.
FACE À FACE
Ce comportement a pour objectif d’intimider le plongeur. Si le plongeur réagit peu à l’approche du requin et que ses signaux sont peu expressifs, le requin, qui a besoin de comprendre parfaitement la situation, va évaluer le plongeur jusqu’au contact. L’anxiété générée par une telle interaction aura pour effet et d’exciter et de stresser à la fois le requin. Si le plongeur, retranché dans ses limites physiques les plus extrêmes ne réagit toujours pas, le requin devra, au dernier moment, faire un demi-tour serré à 180° pour fuir. Dans le cas inverse, si le requin est en position dominante, qu’il connaît toutes les équations de la situation et qu’il prend l’avantage émotionnel sur le plongeur, le longimanus ne changera pas de cap et bousculera le plongeur pour le repousser. À la fois inquisitrice et territoriale, cette approche survient généralement après plusieurs dizaines de minutes entre vous et l’animal car ce dernier a pris le temps de vous jauger et vous avez pris le temps de vous habituer à lui.
Donc : Maintenir un maximum de distance entre vous et le requin, en position verticale et ne jamais reculer.
RONDE INQUISITRICE
De toutes les approches, c’est sûrement la plus éprouvante et la plus difficile à gérer. Elle apparaît lorsque le requin a bien compris que vous n’êtes pas une menace pour lui, ni même un prétendant à son territoire. Lorsque le requin océanique rentre dans cette phase inquisitrice, il sait que le plongeur n’a plus aucun avantage physique dans son espace d’évolution. Vous êtes dans le bleu, loin du récif, sans annexe au-dessus de vous, dans le courant, sur une de ses zones de chasse. Au début il décrit de longs cercles concentriques d’observation suivis de charges frontales et d'approches croisées et il cherchera le plus possible à sortir de votre champ visuel. Sans plus aucune crainte vous concernant, vous deviendrez le point central de ses approches et il reviendra systématiquement au contact par tous les moyens possibles en s’acharnant et en devenant insistant. Malgré les apparences, sa nage n’est pas agressive, quand bien même il accélère et qu'il est pris de spasmes lorsqu’il vient au contact. Ses membranes nictitantes se lèvent seulement pour protéger ses yeux et non pour ouvrir sa gueule. Le meilleur moyen de le repousser est de maintenir une pression forte orientée sur l’extérieur au niveau de ses branchies, point vital de sa respiration. Frapper son corps avec vos palmes ou vos mains serait interprété comme une attaque, et la réponse à une attaque est la défense, voire la défense par l’attaque !
Donc : Maintenir une position verticale, rester groupés, s’agiter le moins possible, se conformer aux consignes de sécurité définies au briefing, signaler sa présence en surface avec un parachute jusqu’à l’arrivée du pneumatique.
NB : L’arrivée du zodiac fait habituellement partir le requin.
CAUSES & MOTIVATIONS
- Curiosité
- Territorialité entre requins : Les requins sont régulièrement nourris. Avec le temps, ils associent lieux et nourriture. Lorsqu’ils voient un(des) bateau(x) de même(s) taille(s), ils nagent vers le spot et s’attendent à être nourris. L'absence de « récompense » ne conduit pas nécessairement à un épisode hostile aux plongeurs, mais cela reste toujours possible. En période de ponte, les femelles délimitent des territoires sécurisés pour les très jeunes afin qu’ils ne se fassent pas dévorer par d’autres prédateurs. Cela développe aussi le stress entre requins.
- Territorialité avec le (s) plongeur (s)
- Stress – qui envoie des signaux identiques à ceux de leurs proies aux requins
- Électromagnétisme - appareil photo, activité musculaire, activité cérébrale
- Bruit(s)
- Stimulation alimentaire
OBSERVATION N°4
Cet article est l'aboutissement de recherches empiriques essentiellement basées sur des observations quotidiennes multipliées. Synthèse de l'étude d'habitudes comportementales observées par des plongeurs depuis plus de dix ans au cours de milliers de plongées, il n'a pas vocation à être exhaustif et certainement pas définitif. En conséquence, ces informations peuvent être complétées, réinterprétées voire réfutées en permanence, au fil d'observations et de rencontres nouvelles.
OBSERVATION N°5
Les meilleurs endroits dans le monde pour nager avec ce requin sont :
- La Mer Rouge Égyptienne - les îles océaniques et les récifs du large - En automne
- Les Bahamas - Cat island – En avril, mai
- Hawaii - au large de Kona - Toute l’année
OBSERVATION N°6
Quelques recommandations pour interagir en toute sécurité avec le requin océanique :
- Pour éviter toute panique, être préparé psychologiquement.
- Adopter une position verticale pour paraître plus imposant et permettre à l’animal de connaître nos intentions.
- Faire le moins de mouvements possible, pas de gestes brusques, pas d’agitation pour ne pas exciter le requin.
- Faire le moins de bulles possible, éviter l’essoufflement et l’excitation.
- Ne pas utiliser de flash ; il stimule l’animal et l’énerve.
- Ne jamais se retrouver isolé.
- Ne pas se retrouver en surface ; le snorkeling est fortement déconseillé.
- Ne pas perdre le contact visuel.
- Éviter de dériver en pleine mer loin des récifs.
- Si le requin devient trop insistant, trop inquisiteur, quitter la zone.
- Si pas à l’aise, quitter la zone calmement.
En clair, plonger avec ce requin implique le respect strict de règles de sécurité impératives précises. Pensez que si vous gardez votre calme tout en respectant les consignes, vous aurez la chance exceptionnelle de profiter d’un instant d’intimité exceptionnel avec ce majestueux squale, malheureusement en train de disparaître de nos océans.
MENACES POUR L'ESPÈCE
Principale victime de la pêche à la palangre, l’aileron blanc du large est extrêmement prisé... pour ses ailerons ! Selon les experts, la population des requins océaniques serait en déclin dans différentes régions du monde de 70 à 99% ! À la suite de ces statistiques, le statut du longimane sur la liste rouge de l’UICN est passé de « quasi menacé » à « vulnérable ». En mars 2013, le longimanus est ajouté à l’annexe II de la CITES et dès lors, la pêche et le commerce de ce requin nécessitent une autorisation et ces activités sont strictement réglementées. Officiellement...