CAP2A
Cercle amical des plongeurs autonomes de l'Agenais
Jacques-Yves COUSTEAU
Océanographe, officier de marine et plongeur
Cousteau : la passion de la mer
Officier de la marine française, océanographe, explorateur intrépide et surtout célèbre commandant de la non moins célèbre Calypso, Jacques-Yves Cousteau était tout sauf un homme ordinaire. Né le 11 juin 1910 à Saint-André-de-Cubzac en France, ce fils d'avocat et petit-fils de notaire dévia du cursus en droit qu'avaient suivi les hommes de sa famille. Passionné par la mer dès son plus jeune âge, Jacques-Yves la découvrit grâce à ses explorations des calanques aux alentours de Marseille. En 1930, à l'âge de vingt ans, il fut admis à l'École navale de Brest et se fit officier canonnier. En 1936, son ami Philippe Tailliez (1905-2002), un plongeur réputé, lui prêta des lunettes sous-marines Fernez, ancêtres des masques de plongée. Jacques-Yves comprit alors toute l'importance et toute la beauté des fonds marins.
Engagé ensuite pour le service de renseignements de la Marine française, Cousteau participa à des missions spéciales au Japon, à Shanghai ainsi qu'en URSS entre 1938 et 1939. Mais après l'Armistice de 1940, Cousteau et sa famille se réfugièrent à Mégève. L'appel de la mer toujours aussi puissant, Cousteau décida, avec Tailliez et Frédéric Dumas (1913-1991), de révéler au grand public les mystères de ce territoire encore inconnu. Les trois hommes, que la légende surnomma les Trois Mousquemers, s'ingénièrent à inventer diverses techniques submersibles pour leur matériel de plongée aussi bien que pour leurs caméras et leurs pellicules. En 1943 avec l'aide de l'ingénieur Émile Gagnan (1900-1979), Cousteau mit au point le scaphandre autonome moderne puis dans les années 1950, avec cette fois le concours de Jean Mollard, il créa une soucoupe plongeante (SP-350), un petit sous-marin bi-place pouvant atteindre 350 mètres de profondeur. Développé par la suite, le petit submersible (SP-500) pourra désormais s'enfoncer jusqu'à 500 mètres sous l'eau vers 1965.
En 1942, les célèbres Mousquemers réalisèrent le film «Par dix-huit mètres de fond», tourné en apnée. L'année suivante Cousteau et ses complices récidivèrent avec le film Épaves. En 1946, Cousteau et Tailliez présentèrent le film à l'amiral Lemonnier qui les chargea alors de mettre en place des systèmes de recherches sous-marines. Ainsi naquit ainsi le Groupement de Recherches Sous-marines (GRS) de la Marine nationale à Toulon, qui devint en 1950 le Groupe d'Études et de Recherches Sous-Marines (GERS) avant de prendre les noms de Groupe d'Intervention Sous la MER (GISMER) en 1973, COMmandement des Interventions Sous la MER (COMISMER) en 1993, et enfin CEllule de Plongée Humaine et d'Intervention Sous la MER (CEPHISMER) en 2009.
À partir de 1948, les Trois Mousquemers s'embarquèrent sur l'aviso hydrographe l'Élie Monnier et commencèrent une exploration en Méditerranée. Ils entreprirent ensuite leur première mission d'archéologie sous-marine avec l'épave romaine de Mahdia, en eaux tunisiennes. Le cinéaste Marcel Ichac (1906-1994), lié à Cousteau depuis quelques années, participait également à l'aventure et les deux hommes présentèrent à Cannes le film Carnets de plongée en 1951, qui fut primé.
En 1949, autre fait héroïque de l'équipe de l'Élie Monnier : le sauvetage du bathyscaphe FNRS II, du professeur Jacques Piccard (1922-2008), au cours d'une expédition à Dakar. Mais ces aventures en mer ne furent bientôt plus suffisantes à l'équipe Cousteau. La même année l'océanographe quitta la Marine française et fonda, dès 1950, Campagnes Océanographiques Françaises (COF). C'est aussi à la même époque que le brasseur Loël Guiness lui fit don de la légendaire Calypso, un ancien dragueur de mines qui devint le navire océanographique le plus connu au monde.
Continuant inlassablement son périple sur toutes les mers du globe, le commandant Cousteau co-réalisa avec Louis Malle (1932-1995) le magnifique documentaire Le Monde du Silence , récipiendaire de la mythique Palme d'or à Cannes, en 1956. Grâce à une activité incessante et à son désir de mettre en lumière la biologie sous-marine, Jacques-Yves Cousteau devint familier du grand public. Élu à la direction du Musée océanographique de Monaco en 1957 puis admis à la National Academy of Sciences, Cousteau s'engagea avec énergie dans de nombreux combats pour la défense de l'environnement. Décidée à convaincre la population mondiale de la fragilité du monde sous-marin, l'équipe de la Calypso continua ses explorations et convainquit même certaines chaînes de télé américaine d'un projet documentaire. Cette entente donna naissance à la série L'Odyssée sous-marine du Commandant Cousteau. En 1974, le commandant fonda The Cousteau Society aux États-Unis afin de propager l'amour de la mer sur le continent américain et d'éduquer la population face à la fragilité d'une mer constamment en péril. Aujourd'hui la société compte plus de 100 000 membres actifs.
Jacques-Yves Cousteau, par son engagement environnemental ainsi que par son travail exhaustif de recherches sous-marines, reçut de nombreuses récompenses. En 1977, on lui décerna le Prix des Nations unies pour l'Environnement puis en 1985, c'est le président américain Ronald Reagan (1911-2004) en personne qui lui remit la Médaille présidentielle de la Liberté. En novembre 1988, ce fut la grande consécration de l'Académie française alors qu'on lui accorda un siège et en 1992, il devint président du Conseil pour les droits des générations futures. Cousteau n'arrêta jamais, il parcourut tous les océans et rendit accessible à tout public cet univers sous-marin si merveilleux. Il aimait à dire : On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l'on aime. Sa mission était de transmettre cette passion au plus grand nombre afin de promouvoir un élan collectif de sauvegarde des mers du monde.
Le 25 juin 1997 à Paris, Jacques-Yves Cousteau mourut au terme d'une vie trépidante et remplie d'aventures extraordinaires. Celui que l'on avait décoré de tant de distinctions (Croix de guerre 1939-1945, Grand-Croix de l'Ordre national du Mérite, Officier de l'Ordre du Mérite maritime, Commandeur de la Légion d'honneur, Commandeur de l'ordre des arts et lettres) laissa à sa seconde épouse, Francine Triplet (1946-), le soin de continuer son œuvre.
Pour Cousteau, la quête trouvait sa nourriture spirituelle dans la communication d'un message : Les bateaux, les engins, l'argent, les hommes, moi-même, tout ça c'est de la quincaillerie. Ce qui compte, c'est l'œuvre accomplie : dans un siècle on nous aura oublié, mais on se souviendra encore de ce que nous avons filmé et dit. Or jamais le genre du film sous-marin environnemental et d'aventures ne s'est aussi bien porté. Et cet engouement, on le doit sans le moindre doute au commandant Cousteau et à la légendaire Calypso qui ont fait découvrir à des générations de néophytes les merveilles de ces incomparables profondeurs marines.
Sources ayant permis la rédaction de ce dossier :
http://www.site-du-jour.com
© Cousteau Society 2013
INA
Journal de France 2 (Antenne 2) à l'occasion du décès de Jacques Yves COUSTEAU
HISTOIRE DES CAMERAS COUSTEAU
À la question qu’un journaliste lui posa lors d’une conférence de presse : « Comment faites-vous pour nous ramener d’aussi belles images ? » Jacques-Yves Cousteau répondit : « C’est facile, j’ai la chance de disposer des meilleures caméras sous-marines du monde, que réalise mon ami Armand Davso ».
C’était répondre de manière modeste et ironique à une question un peu naïve, sans néanmoins mentir, tant la question aurait demandé de longs développements. Oui les caméras Cousteau étaient les meilleures du monde. Les meilleures pour le type de cinéma auquel elles étaient destinées.
Bien sûr la qualité des images ne dépendait pas d’elles seules, mais les caméras utilisées par l’équipe Cousteau étaient remarquablement adaptées aux besoins des plongeurs, et présentaient, outre des qualités optiques exceptionnelles, la qualité d’être légères, compactes, conçues pour les besoins d’un cinéma documentaire de terrain, où la facilité de mise en œuvre, la maniabilité, étaient primordiales. Elles étaient basées sur des modèles de caméras de cinéma terrestres portatives 35 mm ou 16 mm, totalement restructurées, mises en caisson étanche, utilisant des objectifs de focales inhabituelles, pour lesquels les hublots jouaient un rôle optique prépondérant.
Avant d’en arriver à leur forme ultime, quasiment inchangée pendant plusieurs décennies, il a fallu beaucoup de développements, d’astuces, de tâtonnements, d’essais infructueux, et d’images manquées. Plongeons dans l’histoire…
Les différentes étapes :
- 1942 - « Par 18 mètres de Fond » - première réalisation
- 1943 - « Epaves » - un caisson pressurisé pour éviter les fuites
- 1946/ 1954 - les caissons pressurisés Cousteau-Girardot
- 1954 - Caméra cinémascope
- 1955 - Les caméras du « Monde du Silence »
1942 - « Par 18 mètres de fond » - première réalisation
En 1942, Cousteau se lance dans la réalisation de son tout premier film :
« Par 18 mètres de fond ». Il ne dispose encore d’aucun appareil capable de répondre à ses exigences. A peine a-t-il expérimenté avec Philippe Tailliez une caméra enfermée dans un bocal de verre ainsi que la caméra utilisée par le père Antoine Poidebard pour les premières expériences de prise de vues archéologiques subaquatiques, jugée inadaptée aux évolutions d’un nageur sous-marin.
Il dispose d’une vieille caméra Kinamo Zeiss 35 mm à chargeur de 16 m, offrant moins de 30 secondes de film. Il déniche à Marseille, dans le bric à brac d’un brocanteur Hongrois, un objectif très lumineux, un Kinoplasmat Hugo Meyer, qui n’offre pas un très bon « piqué d’image » mais permet d’ouvrir sur un diaphragme de 1,5.
Caméra Zeiss Ikon modèle Kinamo 35mm
En absence de tout éclairage sous-marin et compte tenu de la perte considérable de lumière qu’occasionne l’immersion dans le milieu marin, il est primordial de disposer d’un objectif qui « ouvre grand ». Pour la même raison, qui est de faire entrer le maximum de lumière sur la pellicule, Cousteau fait réduire la vitesse d’obturation de la caméra et modifier la vitesse de défilement en accord, pour obtenir les indispensables 24 images par seconde.

Portrait de Léon Vèche
Mais la caméra n’est pas tout. Il faut inventer le caisson étanche pour la loger. C’est avec Léon Vèche, son ami ingénieur mécanicien de la Royale, et génial bricoleur touche à tout, qu’il conçoit ce caisson. Léon Vèche, avec des moyens de fortune, confectionne un caisson étanche en laiton, dont les commandes de mise au point et d’ouverture du diaphragme se font par l’intermédiaire de presses étoupes, tandis que le déclenchement s’effectue à l’aide d’une commande souple.
La pellicule cinématographique, en ces temps d’occupation, est introuvable. Mais le 35 mm est le standard de pellicule 24x36 des appareils photographiques Leica, que l’on trouve encore dans quelques boutiques de Marseille et de Toulon. Jacques-Yves et Simone écument les magasins spécialisés à la recherche de bobines vierges 24x36 Isopan F noir et blanc. C’est sous une épaisse couverture en guise de chambre noire que Cousteau les assemble, une à une, de manière à constituer des longueurs de 16 mètres nécessaires au chargeur de la Kinamo, soit dix charges de Leica.
Pour demeurer invisibles, les collures doivent tomber entre deux images, et respecter des multiples de quatre perforations, correspondant à la largeur d’une image, égale à 18 mm.
1943 - « ÉPAVES » : un caisson pressurisé pour éviter les fuites
Après la réussite de par « 18 mètres de fond », tourné entièrement en apnée, et surtout après avoir mis au point avec Emile Gagnan, son scaphandre autonome, Cousteau se lance dans un film plus ambitieux. Les épaves de la rade de Toulon et des alentours, peu après le sabordage de la flotte française, constituent un sujet fascinant et prometteur.

Frédéric Dumas et Jacques-Yves Cousteau prêts à plonger
au phare de Planier
Pour ce second film, Cousteau et ses compagnons mettent au point une nouvelle boîte étanche, un second appareil de prises de vues plus élaboré qui restera en service jusqu’en 1955. C’est une caméra Leblé 35 mm avec chargeur de 30 mètres, soit moins d’une minute de film. Elle est réglée, comme le seront toutes ses descendantes, pour filmer à 22 images par seconde, ce qui, lors d’une projection à la vitesse normale de 24 images par seconde, offre un très léger accéléré, profitable à la dynamique des images sous-marines.
L’objectif est un Sonnar 1,5 qui, en plus d’une ouverture égale à celui de la première caméra, présente cette fois une très bonne définition. Comme la Kinamo, la Leblé dispose d’un moteur entraîné par un ressort, remonté avant chaque immersion, offrant l’énergie pour entraîner 30 mètres de pellicule, une autonomie bien réduite mais qui comme pour la Kinamo, évite tout lien avec la surface.

Détail de la caméra en boîte "respirante" montée sur crosse
Quand au caisson étanche, il est soigneusement étudié et réalisé, cherchant à gommer les nombreux défauts du premier. Pour éviter les entrées d’eau, il est mis en légère surpression au moyen d’une petite bouteille d’air comprimé et alerte de la moindre fuite par apparition de bulles. Ils le baptisent « boîte respirante ». Le caisson étanche est pour la première fois monté sur un manche crosse qui reprend le principe du fusil mitrailleur. Cousteau imagine sa caméra comme un fusil à images, pointant l’appareil dans l’axe de sa cible comme le canon d’un fusil. Il serait techniquement possible de monter un viseur sur le caisson mais Cousteau tient justement à garder l’attitude d’un véritable chasseur… d’images. La caméra tenue à vue restera la marque de fabrique des caméras Cousteau durant 50 ans.
1946 - 1954 : les caissons pressurisés Cousteau-Girardot
Bien que la caméra Leblay 35 mm d’ « Epaves » apporte toute satisfaction lors de la réalisation des films suivant, l’occasion est donnée à Cousteau de développer de nouveaux modèles de caissons en collaboration avec la CTM (Compagnie de Travaux Mécaniques), un grand laboratoire parisien dirigé par Henri Girardot, qui travaille régulièrement pour la Direction de la Cinématographie Française. C’est le Directeur de la DCF de l’époque, qui, impressionné par le film « Epaves » primé au Festival de Cannes en 1946, récompense Cousteau en lui ouvrant un crédit à la CTM pour la fabrication d’une boite étanche pour caméra 35 mm. Cousteau, reprenant le principe de la Leblay préssurisée, conçoit un nouveau caisson et en ébauche les plans. Henri Girardot le concrétise en fabricant un caisson en laiton chromé, nommé « Bathygraph », pour caméra 35 mm à chargeur de 30 mètres, offrant moins de deux minutes de film.

L’originalité vient de ses poignées tournantes, comme celle d’une motocyclette, permettant le réglage du diaphragme et de la mise au point. Elle tourne grâce à des batteries ultra légères à l’argent. La pression dans le caisson est maintenue grâce à un scaphandre autonome miniature, fait comme pour le plongeur d’un détendeur relié à une petite bouteille d’air comprimé.

Jacques-Yves Cousteau, Frédéric Dumas et André Laban (de dos)
autour d’un caisson Cousteau-Girardot 35 mm
La CTM fabrique aussi quelques exemplaires du même type, plus petits, capables de recevoir des caméras 16 mm Pathé-Wabo. Les caméras Cousteau-Girardot seront utilisées en parallèle à la Leblay tout au long des années 1947 à 1954, jusqu’à ce qu’une nouvelle caméra de conception totalement nouvelle soit envisagée pour « le Monde du Silence ».La CTM fabrique aussi quelques exemplaires du même type, plus petits, capables de recevoir des caméras 16 mm Pathé-Wabo. Les caméras Cousteau-Girardot seront utilisées en parallèle à la Leblay tout au long des années 1947 à 1954, jusqu’à ce qu’une nouvelle caméra de conception totalement nouvelle soit envisagée pour « le Monde du Silence ».

Jacques-Yves Cousteau équipé d’un caisson pressurisé Cousteau-Girardot
pour caméra 16 mm

Le même caisson, exposé dans le bureau d’un cinéaste
devenu académicien, quelques 50 ans plus tard
1954 : Caméra cinémascope
Parmi les équipements cinématographiques embarqués sur la Calypso en 1954 figure une curiosité, parfaitement expérimentale, qui ne fait pas dans la demi-mesure, une sorte d’ancêtre des caméras utilisées des décennies plus tard par Christian Petron pour Le Grand Bleu. Cette caméra, équipée d’un anamorphoseur, permet d’obtenir des images en procédé cinémascope. Elle est abritée dans un caisson en laiton de forme paralléllipipédique, prolongé d’un hublot de grand diamètre au bout d’une extension tronconique solidaire du boîtier. Ce caisson, également conçu par Henri Girardot, est fait pour être gonflé d’air, et fonctionner en équipression, comme les autres caissons de caméras Leblay 35 mm et Pathé-Webo 16 mm. Ce projet de caméra, inspiré par Marcel Ichac, ne permet pas l’emploi d’objectifs grands angulaires à courte focale, indispensables pour les vues sous-marines. Il sera abandonné après la mission.

À gauche, la caméra cinémascope sur le pont de Calypso en 1954
au passage du canal de Suez (photo André Laban)
1955 - Les caméras du « Monde du Silence »
Après une croisière très prolifique en mer Rouge et Océan Indien menée en 1954, ayant donné lieu à des conférences à grand succès aux quatre coins de France, Cousteau décide de se lancer l’année suivante dans la réalisation d’un long métrage 35 mm couleur de grande ampleur.

Il met alors en chantier de nouvelles caméras sous-marines, plus légères, avec une autonomie accrue, offrant le double de longueur de film. Des caméras sophistiquées existent désormais sur le marché. Ce sont les Aquaflex, fabriquées par la société Eclair, que l’opérateur sous-marin Michel Rocca a adoptées depuis plusieurs années pour tourner les images sous-marines des films de fiction de Willy Rosier. Mais la sophistication a un prix : l’encombrement et la lourdeur. Cousteau ne veut pas sacrifier le principe de la caméra « arbalète » qui se manipule presque aussi aisément qu’un fusil sous-marin. Il charge André Laban, ingénieur responsable de son nouvel organe de développement OFRS (Office Français de Recherche Sous-marine), de concevoir de nouvelles caméras, dont la qualité optique, l’autonomie et la manœuvrabilité doivent être les qualités premières. Le changement d’objectif sous l’eau et la visée réflexe sont jugés secondaires dans le cadre de prises de vue sur le vif.
La première originalité du caisson est d’être en matériau plastique PVC résistant à la pression et à la corrosion. Le principe de la pressurisation des précédents caissons « respirants » est abandonné. Les caméras mises au point sont basées sur le modèle Eyemo, caméra professionnelle portative 35 mm de la marque Bell & Owell. Elles n’en reprennent que le mécanisme d’obturation, le porte-objectif, le mécanisme de griffe d’entraînement et le couloir. Elles en conservent le petit moteur électrique alimenté par une batterie six volts qui entraîne le mécanisme. Le caisson PVC est un cylindre, fait d’un tube envirolé soudé et dont le cul en demi-sphère est est embouti à chaud. L’avant de la caméra est fait d’une collerette qui recoit le joint torique d’étanchéité et le hublot frontal. Ce hublot, conçu par Marcel Dratz, scientifique au département d’optique du CNRS, est de deux types, soit sphérique pour les objectifs grands angles, soit plan pour les objectifs à grande focale. Laban, aidé de Claude Strada, dessine toute une série de pièces pour adapter les caméras au caisson de diamètre réduit. D’un poids neutre dans l’eau, les caméras ne pèsent que 9 kg dans l’air, contre les 30 kg de l’ancienne caméra.

La caméra SM2 sur le plage arrière de Calypso
La réserve de pellicule de 60 m (1 min 45) suffit généralement à une demi-heure de plongée. Deux caméras sont fabriquées, avec assez de pièces de rechange pour en constituer une troisième. L’une, baptisée SM1, équipée d’un manche crosse, ressemble à un fusil. L’autre, la SM2, pourvue de deux poignées, présente une prise en main différente. Lorsque la Calypso appareille pour sa croisière cinéma, les caméras n’ont pas été essayées. Elles ne le seront qu’au cours du voyage, avec des essais de fixité à l’escale de Port Saïd. La SM1 sera victime d’une chute, qui la rendra inopérante, et sera utilisée dans le film comme « actrice », aux mains des plongeurs, ou posée sur le pont arrière de la Calypso. La SM2, secondée par la Leblay en caisson pressurisé employée depuis le tournage d’Epaves, constituera l’appareil de prise de vues principal du Monde du Silence. Le film utilisé est l’Eastmancolor, alors plus sensible que le Kodachrome, pourtant d’une sensibilité dérisoire de 10 ASA. La sensibilité des films oblige à ouvrir le diaphragme presque toujours au maximum. Mais la règle est de travailler avec un objectif grand angulaire, à grande profondeur de champ, pour éviter d’avoir à se préoccuper de la mise au point. Les caméras sont dotées d’un objectif prototype Cooke de 18 mm de focale, disposant d’une ouverture de F : 1,7 (un niveau de performance jamais atteint à l’époque) ou d’un Angénieux de 18,5 mm. La grande ouverture autorisée par ces objectifs exceptionnels permet des images jusqu’à 40 mètres de fond sans apport de lumière artificielle.