CAP2A
Cercle amical des plongeurs autonomes de l'Agenais
Plongée requins : Écotourisme et requins
(SOURCE : SCUBA-PEOPLE.COM)
Par Steven SURINA
Animal en voix d’extinction, le requin n’en reste pas moins une source de revenus très importante. Il est commercialisé soit pour la consommation via la pêche, soit en attraction pour les touristes dans différentes régions du globe. Il est mort dans un cas, vivant dans l’autre…
Des études récentes ont démontré que la valeur marchande d’un requin vivant rapporte tout au long de sa vie plus d’argent qu’un requin pêché et vendu.
Du pêcheur à l’exportateur, un set d’ailerons de requin de la famille des Carcharhinidae est en effet vendu environ 50 USD, alors que, sur une zone touristique, un requin vivant rapporte grosso modo 75 USD par jour à l’économie locale.
La préservation des requins tient surtout de la logique économique qu’ils représentent. Des études socio-économiques ont démontré que 71% des plongeurs étaient prêts à payer plus cher leur séjour ou leur croisière pour voir des requins plutôt que n’importe quelles autres espèces.
La valeur mondiale annuelle de la pêche aux requins commercialisée directement des pêcheurs aux exportateurs rapporte environ 480 millions USD. Cette manne est en baisse du fait de la diminution considérable des populations de requins dans le monde. En revanche, une étude de l’Université de Colombie Britannique en 2013 a démontré que les dépenses mondiales pour l’écotourisme lié aux requins sont d’environ 314 millions USD par an. Les estimations annoncent une augmentation de 50% dans les vingt ans à venir.
Certains pays dont l’économie est fortement dépendante de l’écotourisme ont compris l’intérêt que pouvait représenter la conservation des requins et se sont orientés vers la création de sanctuaires et d’aires marines protégées dédiées aux requins.
Aujourd’hui, il existe vingt sanctuaires à requins répartis dans dix-neuf pays, dont la superficie totale couvre plus de 18 millions de km². Dans ces zones, la pêche au requin est strictement interdite et contrôlée, sous peine de lourdes sanctions. Les requins y évoluent donc en paix, loin de la traque acharnée des pêcheurs. C’est un premier pas pour leur conservation, même s’il est difficile de contrôler vraiment ces vastes étendues et d’empêcher le braconnage. Quelques nations insulaires manquent de ressources humaines et financières pour faire appliquer correctement ces mesures.
Dans certains cas, par exemple aux Îles Fidji, aux Maldives ou à Donsol aux Philippines, les activités de pêche au requin ont été converties en activités écotouristiques et ont créé des emplois durables, tels que moniteurs de plongée, marins, capitaines de bateau, chauffeurs de taxi, hôtellerie… etc. Même aux Bahamas, haut lieu de la pêche sportive, chaque requin ferré sur une ligne doit obligatoirement être rejeté à l’eau, même mort, afin d’en éviter le commerce. Dans cet archipel, l’écotourisme requin contribue à 60% annuels du PIB du pays !
Le tourisme requin participe donc fortement à la création de sanctuaires et à des programmes de protection et de conservation des requins.
De plus, l’écotourisme peut avoir un rôle éducatif et permettre une synergie entre les activités touristiques et les recherches scientifiques. En effet, un tel mariage entre recherche et écotourisme peut être bénéfique à la gestion des populations de requins.
Il est toutefois légitime de se demander si cette activité ne contribue pas à l’impact direct de l’homme sur l’environnement des requins et si, à long terme, l’écotourisme est réellement bénéfique pour les requins et leurs écosystèmes, ou bien si l’intérêt ne serait pas plus économique qu’écologique…
Aujourd’hui, la collecte de données sur l’impact de l’écotourisme ne nous permet pas d’avoir suffisamment de recul. Cependant, les premiers résultats montrent deux tendances :
- Pour certaines espèces ou dans certaines régions du monde, l’écotourisme orienté sur les requins semble favoriser la sédentarisation des requins, ou au contraire leur délocalisation. Leurs habitudes alimentaires pourraient être modifiées, ainsi que leur méfiance naturelle envers l’homme, tel, par exemple, les requins limon faucille, Negaprion acutidens, en Polynésie Française.
- Pour d’autres espèces et d’autres lieux, l’impact des activités écotouristiques n’est pas détectable, malgré une forte présence humaine. Les requins semblent indifférents à la présence humaine. Les requins migrateurs poursuivent leurs migrations saisonnières, continuent à se reproduire et à se nourrir naturellement, tels les grands requins-marteaux, Sphyrna mokarran, et les requins-tigres, Galeocerdo cuvier, aux Bahamas, les requins-baleines au Mexique ou aux Philippines, les agrégations de requins-marteaux halicornes, Slewini, aux Galapagos, au Costa Rica, en Colombie, en Egypte, au Soudan…etc. De la même façon, des requins sédentaires qui côtoient des plongeurs quasi quotidiennement ne semblent pas perturbés par leur présence, tels les requins gris des Caraïbes, Carcharhinus perezi, aux Bahamas.
Le développement important de ces activités écotouristiques suscite de nombreux débats, même au sein de la communauté scientifique. Au-delà du phénomène « plongée avec les requins », il est légitime de se poser aussi la question de savoir si la plongée sous-marine est une activité écologique, même pour les plongeurs « bio » ! Il est toutefois indéniable que ces activités contribuent à la protection et à la conservation des requins. L’aspect économique de ces activités est un facteur primordial, notamment lorsqu’il y a concurrence entre les opérateurs. Il faut donc veiller à ce que cette concurrence n’engendre pas de dérives et des comportements dangereux, par l’élaboration d’une charte de bonne conduite, au bénéfice de tous les acteurs… et notamment bien évidemment… des requins eux-mêmes !
Steven SURINA