CAP2A
Cercle amical des plongeurs autonomes de l'Agenais
PLONGEURS-DÉMINEURS (partie 1)
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, dès novembre 1942, les Allemands songeaient à s’emparer de la flotte de Toulon ; ils franchirent la ligne de démarcation et, le 18, ils étaient à Sanary. Une opération destinée à occuper le port fut envisagée. Confiée à l’Armée de terre, avec appui aérien, mal menée, elle aboutira, le 27 novembre à 5h 30 du matin, à la réaction de l’Amiral De Laborde, qui donnera l’ordre de sabordage. Prévu à l’avance, il sera réalisé en moins d’une heure. Plus d’une centaine de navires seront sabordés, dont 3 cuirassés, 7 croiseurs, 1 transport d’aviation, 15 contre-torpilleurs, 14 torpilleurs, 4 avisos, 12 sous-marins, plus 30 bâtiments divers (chasseurs, patrouilleurs, mouilleurs de filets, transports pétroliers, bâtiments de servitude) et 4 grues et docks de levage, pour un total de plus de 232 000 tonnes. Seuls quatre sous-marins (Casabianca, Marsouin, Iris et Glorieux) parviendront in-extrémis à échapper à cet enfer.

Dès la fin du conflit, la rade est jonchée d’épaves, de munitions, d’explosifs qu’il va bien falloir neutraliser. Ainsi naîtra le fameux GRS (Groupe de Recherches Sous-Marines), animé entre autres par les Mousquemers (J.Y Cousteau, Philippe Tailliez et Frédéric Dumas), qui se voit confier par l’Etat Major de la Marine cette lourde tâche, entre autres activités subaquatiques. Sa première mission consistera à sortir deux torpilles d’un sous-marin allemand échoué devant St Mandrier. Frédéric Dumas, dans Angoisses dans la mer nous en fait le récit :
« Je plongeai sur l’arrière du sous-marin et passai la tête par le panneau de chargement des torpilles. Dans la faible lumière du compartiment, je distinguai deux longs cylindres… Je remarquai que le sous-marin bougeait sous l’action de la houle, ce qui n’était pas fait pour me rassurer… Surveillant la torpille d’un œil, je fis une petite fouille sans rien trouver de marquant ; le remorqueur récupéra la torpille. »
Des équipes de déminage sont ensuite formées pour intervenir sur tous les engins de guerre et affectées à la section K.M.A (Katymines). On appelle ces plongeurs « Scaphandriers Démineurs ». Le matériel utilisé est assez hétéroclite : scaphandre allemand Draeger M 40, anglais Siebe-Gorman ou circuit fermé Davis. En 1949, l’Etat Major décide d’effectuer une mission de déminage des côtes du Languedoc, qui reçoit un Témoignage officiel de satisfaction du Ministère de la Marine. En outre, à cette occasion, les plongeurs démineurs se verront attribuer une prime de « mouillage d’habit », ainsi qu’une prime de risque, au même titre que les Pieds-Lourds qui avaient commencé le déminage.

Depuis cette époque héroïque, le métier a bien sûr beaucoup évolué. Désormais recrutés parmi les titulaires du certificat de plongeurs de bord, les postulants doivent suivre un cours de formation initiale de 9 mois au cours duquel ils apprendront à utiliser tous les appareils respiratoires réglementaires à circuit ouvert, fermé et semi-fermé. Leur qualification les autorisera à plonger jusqu’à 60 mètres à l’air, et jusqu’à 80 mètres avec des mélanges ternaires (trimix) composés d’azote, d’oxygène et d’hélium. Ils seront en outre formés à la recherche, à l’identification et la destruction d’engins explosifs immergés, aux travaux sous-marins (découpage, soudure, déplacement d’objets volumineux, photo et vidéo sous-marine). Quelques années plus tard, l’accès au brevet supérieur de plongeur démineur leur permettra de compléter leurs connaissances en matière de neutralisation d’engins explosifs. Ils serviront dans des unités spécialisées (GPD : Groupes de Plongeurs Démineurs et chasseurs de mines principalement) dont la plongée et l’intervention sur explosifs immergés sont les missions essentielles.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous avons suivi Christopher, Plongeur Démineur au 3ème GPD lors d’une mission d’entraînement au large de Toulon. Trois jours ordinaires dans la vie d’un plongeur pas ordinaire. Nous rejoignons l’arsenal où après les inévitables contrôles de sécurité, nous sommes accueillis par Christopher, Romain et Julien, qui nous amènent au bâtiment qui abrite les locaux du 3ème GPD. Celui-ci est entouré d’une riche collection d’objets explosifs en tous genres : mines à orin, rockets, missiles, canons, etc… Depuis leur création, les trois GPD ont développé un ou plusieurs domaines d’excellence. Ainsi, le GPD Manche, basé à Cherbourg, est-il spécialisé dans le dépiégeage d’assaut dans le cadre du contre-terrorisme maritime, alors que le GPD Atlantique de Brest opère sur les mines inconnues et les interventions en eaux polluées. Le GPD Méditerranée de Toulon intervient dans les travaux sous-marins et le VSW (Very Shallow Water), qui consiste en des opérations de déminage de port, accompagnées d’un traçage de chenal destiné à sécuriser l’accès à une zone de mouillage en cas de conflit par exemple.

Aujourd’hui, dans le cadre d’un exercice, une mission de recherche est programmée. Après avoir embarqué tout le matériel nécessaire, nous quittons le quai sur un puissant pneumatique et après avoir traversé la grande rade, nous arrivons 20 mn plus tard sur la zone de recherche, non loin de l’anse Méjean, sur des fonds sableux d’une dizaine de mètres, parsemés d’herbiers. Après avoir gréé leurs « crabes », les nouveaux équipements dont la société Aqua Lung équipe désormais les plongeurs démineurs, nos « modèles » piquent rapidement vers le fond et nous les suivons sans tarder. Nous sommes au mois de juillet, l’eau est tiède, et la visibilité correcte, une dizaine de mètres. Sanglés par deux, nos plongeurs ratissent soigneusement la zone, et finissent par découvrir une bombe avec son empennage à demi enfouie dans le sable.

Dans la réalité, il serait bien sûr interdit à tout plongeur non spécialiste de s'en approcher et encore moins de la toucher, la charge explosive pouvant être toujours dangereuse. Seuls les démineurs professionnels peuvent les traiter. Si l’objet est trop proche de la côte, nos plongeurs devront mettre en place en priorité des rayons de sécurité afin d’assurer la sécurisation de la mine, le relevage de l'engin explosif à l'aide d'une « vache » (parachute destiné à soulever un engin lourd) puis son déplacement vers un point de pétardement en sécurité à une certaine distance de la côte, celle-ci variant en fonction de la charge. Mais, même si c’est leur spécialité première, les démineurs n’interviennent pas qu’en milieu marin, et suivant les théâtres d’opérations, les procédures diffèrent quelquefois radicalement, comme nous le confie le 1er Maître Sylvain B… : « Lors du conflit libyen, nous avions localisé une bombe d’avion non explosée dans un immeuble de Tripoli ; avant que nous ayons pu mettre en œuvre la moindre procédure, ils avaient descendu la bombe (250 kg quand même…) par l’escalier, l’avaient posée sur un matelas dans leur pick-up et étaient partis en cahotant dans le désert pour la faire exploser… ».
Il ne faut pas oublier que, représentant une grave menace pour les forces maritimes et le trafic commercial sur les océans, les mines ont été employées de manière intensive au cours des deux derniers conflits mondiaux. De plus, elles ont également été utilisées pendant les guerres de Corée et du Viêtnam et au cours des conflits du Moyen-Orient. Si ces conflits sont terminés depuis plus ou moins longtemps, pour les plongeurs démineurs, ils ne sont pas finis, et la tâche à accomplir reste considérable… Quoi qu’il en soit, il existe une procédure à appliquer en cas de découverte fortuite par des particuliers, qui consiste à alerter les postes de secours qui sauront relayer l’information vers les services compétents (police, sémaphores, Crossmed, etc). Si possible, et sans pour autant se mettre en danger, repérer l’endroit, voire le baliser pour le retrouver, ce qui facilitera le travail des spécialistes.
Mais revenons à notre mission : la seconde partie consistera à retrouver un obus d’exercice de gros calibre que nos plongeurs devront élinguer et remonter à bord du zodiac à l’aide d’un parachute avant de rentrer à leur base. L’exercice se déroule sans anicroche après une courte prospection et nous regagnons le poste 605 pour le débriefing.

L’après-midi nous verra accompagner nos hôtes pour une mission toute différente, car il s’agit cette fois de réaliser des mesures d’épaisseur de coque sur la frégate ASM (Anti Sous Marine) Montcalm dans le port de Toulon. Les eaux du port ne sont pas franchement transparentes, et nous nous mettons à l’eau entre le quai et la coque du navire en compagnie de deux plongeurs démineurs accompagnés de deux plongeurs de bord de la frégate.


Au retour de la plongée, Philippe nous confiera que l’ambiance était particulière : « Ca rappelle un peu la Bretagne ; nous croisons même quelques beaux mulets et des sars de taille respectable ; les conditions de travail ne sont pas faciles, il faut jongler entre réglages et particules. Dans une eau verte et glauque, tout n’est qu’ombre et lumière diffuses. Les formes s’estompent, fantomatiques, on a vite fait de perdre ses repères, coincé entre le quai et cette masse sombre de 140 mètres de long. Quelques secondes ont suffi pour que je perde de vue la palanquée, et j’ai eu quelques difficultés à la retrouver, les plongeurs étant entre-temps passés sous la coque pour en examiner le côté tribord. Sous cette gigantesque masse, mon seul repère était le pâle reflet du soleil sur le fond vaseux. Avec une visi de moins d’un mètre, faire des images dans ces conditions fut un véritable challenge, d’autant que le temps imparti pour la mission était compté ; on réalise alors la polyvalence nécessaire au métier de plongeur démineur … »
Le lendemain, retour à l’arsenal pour une autre mission. Une mine à orin d’exercice a été déposée dans la même zone que la veille, et elle doit être retrouvée avant d’être soigneusement examinée avant toute manipulation. Pour ce faire, les démineurs disposent d’un outil sophistiqué, le sonar DUPM 2A, capable de relocaliser la position des objets rencontrés.

Christopher et son binôme habituel, Julien, gréent rapidement leurs « crabes » et basculent vers le fond, où nous les suivons. Christopher est au compas, alors que Julien scrute les échos affichés sur l’écran du sonar. Après une sérieuse séance de palmage, ils trouvent la mine accrochée à son crapaud dans une dizaine de mètres d’eau et la récupèrent. Ici aussi, l’ambiance quelque peu « jamesbondesque » de la plongée nous surprend : « On a l’impression d’assister à un tournage de 007… Sauf qu’ici, point de gadgets ; ce sont de véritables outils de travail que seuls des professionnels parfaitement entraînés sont capables de mettre en œuvre. Et la technologie employée n’a qu’un très lointain rapport avec celle de la plongée amateur. Mais elle ferait fantasmer n’importe quel plongeur… ».

Retour à la base en saluant au passage le PAN Charles de Gaulle : l’équipage au grand complet et en grande tenue attend sur le pont d’envol la visite de l’Amiral à l’occasion de la passation de commandant du bâtiment… Pour notre part, nous irons visiter le bâtiment support de nos plongeurs, le BBPD (Bâtiment Base de Plongeurs Démineurs) Pluton ; amarré non loin des locaux du GPD, il est de dimensions certes plus modestes. Il est équipé d’un caisson de recompression multiplace que les plongeurs démineurs sont aptes à mettre en œuvre. Le navire est en service depuis 1986 et équipé de tout le matériel nécessaire pour permettre des plongées jusqu’à 80 mètres, notamment une vaste plage arrière, ce qui facilite la mise à l’eau rapide de ses zodiacs grâce à la grue hydraulique. Il peut embarquer 12 plongeurs, 1 médecin et un infirmier, filer plus de 13 nœuds et possède une machine de 2 200 ch. Son autonomie maximale est de 13 700 km (7 400 nq) à 9 nœuds. Pour l’anecdote, l’un des derniers bâtiments de la Marine Nationale à porter le nom de Pluton était… un mouilleur de mines…
Notre troisième journée de reportage sera consacrée aux « Trasoum », autrement dit les travaux sous-marins, qui non seulement entrent dans les attributions du GPD, mais dont c’est de plus la spécialité. Nous rejoignons l’appontement au pied duquel différents travaux de soudure et d’oxycoupage doivent être réalisés. Une fois encore, l’ambiance est surréaliste : crépitements du chalumeau entrecoupés d’éclairs et grondements presque assourdissants des bulles composent un décor complètement inhabituel. Encore une autre facette du métier, et les missions dans ce domaine sont nombreuses et variées. Il faut savoir qu’outre les activités de déminage à proprement parler, la mise en œuvre d’explosifs (pour contre-minage par exemple), les travaux sous-marins, les plongeurs démineurs interviennent également à la suite de naufrages et participent à la recherche des disparus en mer, ainsi qu’à la destruction de containers dérivants et présentant un danger pour la navigation, ou encore à l’élimination sur demande du Préfet Maritime de carcasses de cétacés échoués ou tués lors d’abordages avec les ferries par exemple.

En guise de conclusion, une entrevue avec le Commandant du 3ème GPD apporte les réponses aux questions que nous nous posions encore :
- « Comme vous avez pu le constater, le métier de plongeur démineur comporte de multiples facettes; il est en permanente évolution, et sera amené à changer encore dans les prochaines décennies. Même face aux avancées parfois fulgurantes de la technologie, nous aurons toujours besoin d’hommes. Et l’on ne doit jamais oublier que le risque zéro n’existe pas, comme en témoigne l’anecdote du Pégase, bien connue dans le milieu du déminage : Il y a quelques années, le chasseur de mines Pégase, en mission dans la Manche, avait localisé une bombe sur un petit tumulus, au fond; les abords étaient clairs, et la manip prévue ne devait poser aucun problème avec les précautions d’usage. Ce que tout le monde ignorait, fait rarissime dans les annales du déminage, c’est que cette bombe reposait en fait sur l’épave d’une barge qui, elle, contenait une dizaine de tonnes de munitions. L’explosion ne fut pas tout à fait celle attendue… Néanmoins, aucun blessé ne fut à déplorer. Certes, certains progrès ont été décisifs, comme le découpage hydro-abrasif de certains types de munitions, ou l’emploi de robots qui s’apparentent de plus en plus à des « drones » sous-marins. Mais ils ne sont pas encore complètement autonomes. L’analyse du danger, l’interprétation et la prise de décision ne peuvent être prises par une machine en l’état actuel des choses. Peut-être verrons-nous un jour apparaître une génération de « maîtres-drones » ? L’avenir nous le dira. Mais le métier a encore de belles années devant lui, sachant qu’actuellement, on produit et on lance encore malheureusement à travers le monde davantage de munitions que nous ne pouvons en traiter. D’autre part, je ne me fais aucun souci sur la motivation de mes hommes : tous sont intimement convaincus de l’utilité et du bien-fondé de leur métier. Bien loin des clichés d’espionnage du 7ème Art, ce sont avant tout des hommes, professionnels, compétents, discrets … et passionnés.»

Les auteurs tiennent à remercier le Commandant et tous les plongeurs du 3ème GPD à Toulon pour leur accueil sympathique, leur disponibilité et pour les facilités accordées à la réalisation de ce reportage.
Texte et photos BLEUE PASSION Alain Ponchon et Philippe Joachim, avec l'aide de Philippe Lecomte.
PLONGEURS-DÉMINEURS (partie 2)
Naissance du GERS et des premiers plongeurs démineurs
La plongée autonome au service de la Marine
En juillet 1937 à Toulon à bord du cuirassé CONDORCET le lieutenant de vaisseau Philippe TAILLIEZ rencontre l’enseigne de vaisseau Jacques Yves COUSTEAU nouvellement affecté après un grave accident de voiture. Déjà adepte de la chasse sous-marine, TAILLIEZ propose à COUSTEAU, en guise de rééducation, de nager avec lui dans la rade de Toulon.
Désormais inséparables les deux officiers de marine passent leurs loisirs à la pratique de la chasse sous-marine.
L’année suivante TAILLIEZ présente à COUSTEAU un civil passionné comme lui de chasse sous-marine, originaire de Sanary Frédéric DUMAS. Il se joint à eux et apporte son enthousiasme et son expérience déjà solide de la chasse. Le trio est formé : La grande aventure peut commencer.
Il aura fallu 6 ans pour que s’accomplisse leur mutation en plongeurs autonomes.
C’est dans la baie de Bandol, en juin 1943, que Philippe TAILLIEZ, Jacques Yves COUSTEAU et Frédéric DUMAS essayèrent pour la première fois en mer le scaphandre autonome, scaphandre issu de l’invention de l’ingénieur Emile GAGNAN.

L’équipe du G.R.S. - Fin 1947
De gauche à droite, Jacques-Yves Cousteau, Quartier-maître torpilleur Georges, Philippe Tailliez,
Maître torpilleur Pinard, Frédéric Dumas et Second-maître aéronautique Morandière,
à bord de L’Élie Monnier, au départ de l’expédition FNRS2, pour laquelle le GRS apportera son concours au professeur Auguste Piccard.
(© Marine Nationale)
En juillet 1943 TAILLIEZ, COUSTEAU et DUMAS donnent le premier tour de manivelle du film « EPAVES », un long métrage de 28 minutes sur le thème des épaves dont les carcasses jalonnent le fond de la Méditerranée entre Marseille et Saint Raphaël. Le film rencontre un immense succès.
Du jamais vu, du jamais soupçonné, qui arrive dans les salles. Le commandant Philippe TAILLIEZ dira : « c’est un authentique et pur message porté par les plongeurs, le premier témoignage de la beauté sous-marine. »
À la fin de la guerre Philippe TAILLIEZ et Jacques Yves COUSTEAU sont réintégrés dans leur grade au sein de la marine. Tous deux souhaitent prolonger cette aventure par la création d’un groupe d’intervention sous la mer démontrant les avantages du scaphandre autonome.
En avril 1945 dans l’espoir de convaincre l’état-major de la marine, un déplacement à Paris est effectué car pensaient-ils, les explications passionnées trouveraient peu d’écho dans les bureaux du ministère : Vouloir supprimer le bon vieux casque et les semelles de plomb, cela ne faisait pas sérieux.
La projection du film « EPAVES » devant l’amiral LEMONNIER et tout son état-major, film dans lequel on voyait TAILLIEZ, COUSTEAU et DUMAS évoluer dans ces épaves de la méditerranée comme des poissons, a fait son effet.
L’amiral LEMONNIER donna l’autorisation de mettre en place « Une commission d’études » destinée à démontrer l’utilité des plongeurs autonomes dans la marine. De retour à Toulon avec un précieux ordre de mission et la destination rêvée, les trois hommes engagés comme experts civils, accrochèrent à la porte d’un modeste bureau de la direction du port puis ensuite dans un grand abri bétonné : « GROUPE DE RECHERCHES SOUS-MARINES »
Naissance du G.R.S.
Nantis en avril 1945 d’un programme d’action assez vague concernant le matériel de plongée, le déminage, le renflouement, la formation de scaphandrier.

Le bâtiment du G.R.S. au sein du port militaire de Toulon
(© Marine Nationale)
Philippe TAILLIEZ devenant le commandant de cette nouvelle unité, dont le plan de travail est rapidement mis en place : - Repérages et photographies des épaves. - Récupération d’engins expérimentaux. - Récupération de torpilles allemandes. - Expertises de torpilles humaines. - Expertises des appareils respiratoires étrangers.
Cette équipe de plongeurs mise en place et aidée par de nombreux volontaires parmi lesquels le premier-maître Maurice FARGUES moniteur à l’école des scaphandriers, le maître Jean PINARD, le second maître Guy MORANDIERE et bien d’autres, travaille aux cotés des « pieds lourds » qui jouent du chalumeau. Elle participe à l’expertise des épaves sabordées et coulées en 1942 dans la rade de Toulon.
Elle assure également la destruction de nombreuses mines allemandes ainsi que l’essai des équipements de plongée utilisés pendant la guerre par les différents pays. Très rapidement cette simple « commission », devant l’immense travail effectué, le développement et l’efficacité de son action, est transformée en GROUPE DE RECHERCHES SOUS-MARINES (G.R.S).
Le déminage n’est pas dans le programme initial des activités du G.R.S, mais les états- major ont une manière persuasive de poser des problèmes nouveaux aux unités placées sous leurs ordres. Les travaux de renflouement dans le port de Toulon, ainsi que la navigation dans la rade de Hyères étaient gênés par la présence de nombreuses mines allemandes. Le G.R.S. est invité à se joindre aux efforts des services spécialisés. C’est ainsi que le G.R.S. commença la chasse aux mines.
La première intervention sous-marine consista à sortir deux torpilles d’un sous-marin allemand sabordé et échoué devant la presqu’île de Saint Mandrier, mission sur mesures pour l’état major, car le commandant TAILLIEZ était officier torpilleur. Ces torpilles acoustiques intéressaient vivement les services des constructions navales.
Ensuite ce fut les mines, beaucoup de mines !
Pendant le nettoyage de la rade de Toulon, au cours d’une plongée, un chaland fut découvert par des scaphandriers avec dans son fond 27 cylindres alignés. Ce chaland allemand matérialisé par une bouée rouge, coulé non loin de la passe principale de Toulon était un danger permanent pour la navigation. Ordre fut donné de détruire cet obstacle et l’ingénieur maritime chargé de ce travail, prudent, fit surseoir au dynamitage et demanda une visite du site suspect par les plongeurs du G.R.S.
TAILLIEZ, COUSTEAU et DUMAS plongèrent donc sur l’épave et trouvèrent un grand chaland chargé de réservoirs couverts d’une végétation neuve. Après photographies de la cargaison insolite et examen de ces gros cylindres en aluminium, ils remontèrent à la surface avec une certitude : « Ce sont des mines ! ». Après examen des photos par les spécialistes de l’arsenal ingénieur du génie maritime, les mines empilées dans le chaland étaient parmi les plus diaboliques : acoustiques et magnétiques.
C’était l’épave du chaland « Sainte Geneviève » coulé devant le Lazaret et chargé de 27 mines du type L.M.B représentant près d’une vingtaine de tonnes d’explosif. La décision prise fut de délimiter une zone d’interdiction à la navigation. Le chaland sera balisé et protégé par une ceinture de bouées pendant huit ans avant d’être traité par une entreprise civile. (Société GRANDMANCHE).
Au G.R.S, devenu très rapidement le Groupe d’Études et de Recherches Sous-marines (G.E.R.S.) il y avait constamment en instruction, des officiers, des gradés et des marins mais aussi du personnel intéressé à titre divers à la formation de moniteurs scaphandriers autonomes : Armée / Génie / Pompiers / Fédérations de sauvetage / Pont et Chaussées / mais également des stages pour Biologistes / Physiologistes / Géologues et Océanographes.
Missions de déminage

Opération de déminage en méditerrannée
(© Émile Jean Sevellec)
À la libération, la tâche était immense, il fallait déblayer les eaux maritimes des mines de toute sorte semées par les belligérants. L’ordre d’urgence était : de sécuriser la navigation commerciale, indispensable à la vie du pays, par le déminage des ports et le dragage des routes océaniques et côtières jusqu’à la profondeur de 100 mètres. De détruire les engins contre le débarquement, infestant les plages et menaçant les pêcheurs côtiers. En raison de ses moyens limités, la Marine Nationale prit à son compte le dragage en haute mer et le déblaiement des ports de commerce. Le Ministère de la Reconstruction (M.R.U.) prenant en charge les zones côtières et les plages, non fréquentées par le trafic. Le Ministère confiait la tache à ses organismes départementaux, lesquels faisaient appel, sous contrôle des Ponts et Chaussées, à des entrepreneurs privés, chargés d’assainir les zones réputées dangereuses et maintenues interdites à la navigation, jusqu’à nouvel ordre.
La séparation des missions entre la Marine Nationale et le M.R.U. était trop entière et devait comporter des dérogations. En particulier sur les cotes de Normandie ou les difficultés dues au mauvais temps, aux courants violents, à la mauvaise visibilité de l’eau, exigeait du personnel qualifié et du matériel spécialisé pour la destruction des mines anti-débarquement : les Katymines (K.M.A.).
Dès 1945, la Marine Nationale accepte de procéder à la destruction de ces mines. Toute une flottille de petits remorqueurs et de vedettes travaillent pendant plusieurs saisons, profitant des marées importantes dans cette région et utilisent le dragage par chaînes traînant sur le fond.
Des équipes de déminage sous-marin sont formées pour intervenir sur tous les engins de guerre. Les côtes sont infestées de mines marine de tous types : mines de fond / mines à orin et mines de plage. La destruction, la neutralisation de ces mines, devient urgente pour la reprise des activités économiques et maritimes du pays : Commerce / Pêche / Navigation.
Ces plongeurs appelés « Scaphandriers Démineurs » sont affectés à la section déminage K.M.A. (Katymines) de la Première Région Maritime. Le matériel utilisé est assez hétéroclite et varie suivant le type d’intervention. Scaphandre à casque type "pied lourd", volume constant à l’air pour déminage classique sur mines à orin ou mines de plage type K.M.A.

Jacques-Yves Cousteau lors d’une plongée déminage
(© Émile Jean Sevellec)
Pour les interventions sur les mines acoustiques, magnétiques ou à influence, les appareils utilisés sont du type recyclage de gaz, modèle scaphandre allemand Draeger M40, anglais Siebe-Gorman ou circuit fermé Davis.
Le Lieutenant de Vaisseau PORCHIER, avec une équipe de scaphandriers à casque, menait un important travail de déminage des cotes et des ports en Atlantique et en Mer du Nord. Dès 1945 également, le Capitaine de Frégate SERRE opérait avec son équipe de scaphandriers à casque et celle des artificiers de la pyrotechnie de Toulon (initiés à la plongée par l’équipe de plongeurs du G.R.S.) sur les mines de la Méditerranée.
Cette équipe de Méditerranée a successivement nettoyé les ports de Port-Vendres, Port la Nouvelle, Marseille. Il s’agissait de repérer, de repêcher si possible puis de détruire tous les engins dangereux : mines / projectiles, etc. enfouis dans la vase et présentant un danger pour les navires de commerce.
Cette mission cessa après deux années d’activité à la fin de 1947, se replia à Toulon et fut mise en veilleuse. Elle continuait cependant à exister sur le papier.
Le Capitaine de frégate BOURRAGUE fut nommé pour prendre la responsabilité de la mission de déminage de la 3ème Région Maritime. Il était également responsable du groupe de bâtiments de réserve de Direction du port de Toulon. Toutes les zones dangereuses étaient interdites à la navigation. C’est pour ne pas s’être conformé à ce règlement qu’à l’été 1948 un chaland du port de SETE sauta sur une mine. Le chaland coula et fit trois morts. Cet accident fut à l’origine de la mission de déminage du LANGUEDOC.
Déminage des côtes du LANGUEDOC
Le 5 mars 1949 la préfecture maritime de Toulon était informée par l’État Major Général de Paris, qu’à la suite de l’accident survenu devant Sète en 1948, la Marine Nationale était sollicitée par le M.R.U. pour prendre à son compte le nettoyage des dernières zones interdites, à savoir :
- Zone du GRAU du ROI et SAINTES MARIE de la MER - Zone de FRONTIGNAN, SETE et embouchures de L’HERAULT - Zone du CANNET dans les Pyrénées Orientales
Le M.R.U. s’engageait à rembourser à la Marine, les dépenses de la mission de déminage de la 3ème Région Maritime. Paris demandant en conséquence une évaluation approximative des dépenses avant de donner son accord au M.R.U. Des visites des sites eurent lieu : Sète / Montpellier / Grau d’Agde / Grau du Roi / Saintes Marie de le Mer, en compagnie d’une équipe d’artificiers de la Pyrotechnie de Toulon.

Mission de déminage des côtes du Languedoc en juillet 1949. (Plongeurs en mission)
(© Émile Jean Sevellec)
Les Inscriptions Maritimes et Ponts et Chaussées signalèrent que depuis trois ans, plusieurs entreprises avaient commencé le déminage, détruisant un nombre considérable de mines. Le déminage et la destruction des mines étaient réalisés sans méthode aucune, de telle sorte qu’il n’y avait pas de certitude sur le déblaiement correct des zones. Sur 1400 mines mouillées (référence, archives allemandes) plus d’un millier avait été détruites, sans compter celles qui avaient pu sauter spontanément. Il fallait donc tout ratisser, cela représentait 250 kilomètres carrés par fonds divers dont une trentaine de kilomètres carrés par fonds de roche. Pour ces fonds rocheux il fallait aller voir en utilisant des scaphandriers, parmi lesquels, seuls les PLONGEURS AUTONOMES, pouvaient avoir un rendement efficace.
Le 18 juin 1949 l’ordre arriva de Paris pour exécuter cette mission. Cet ordre signalait également la mise à disposition du Capitaine de Corvette COUSTEAU qui venait de quitter le commandement de L’ELIE MONNIER [1] en attendant sa mise en congé.

L’Élie Monnier
Ex-remorqueur de haute mer allemand, l’Elie Monnier était le batiment base du G.R.S., Groupe de Recherches Sous-marines, (aujourd’hui COMISMER COMmandement des Interventions Sous la MER) de la Marine Nationale.
Naissance des Plongeurs Démineurs
Entre le 18 juin, ordre donné par l’État major à Paris d’effectuer la mission déminage des cotes du LANGUEDOC et le 25 Juillet 1949, date de l’appareillage de L’HAMELIN [2] il a fallu procéder : Au recrutement des volontaires / Aux visites médicales « Aptitude à scaphandre » / A la sélection en caisson dans le multiplaces du G.E.R.S. / A la formation à la plongée autonome. Après une semaine de formation et d’entraînement à la plongée autonome [3] par les moniteurs plongées du G.E.R.S., les nouveaux plongeurs ont suivi les premiers exposés du Commandant COUSTEAU (désigné officier plongeur démineur) sur ce que serait le travail de déminage et des différentes formes d’objets qu’ils risquaient de découvrir.
C’est lors de l’étude de cette opération que le Commandant COUSTEAU imagina et mis au point une méthode de recherche (qui fut sans cesse améliorée) consistant à explorer par pendeur de vastes zones. Cette méthode de recherche permettait sans interrompre la plongée de repérer, tout engin suspect, en lâchant une bobine de filin dont le plomb restait au fond et le flotteur se déroulait jusqu’à la surface.
Le 28 juillet 1949, début des opérations de déminage des cotes du LANGUEDOC, l’ensemble des bâtiments est pré positionnés à Sète. Lors du premier balisage, l’identification se faisant le soir après la fin des opérations de la journée, le résultat fut décevant. Ironie du sort, ce qui fut pris pour une antenne de mine n’était que le goulot d’une bouteille de bière obliquement ensablée. Honteux et déconfit le Quartier-maître A...... C..... supporta les rires ironiques de ses camarades. Le Commandant COUSTEAU faisant les commentaires objectifs de l’incident : « Il est préférable de plonger deux ou trois fois pour rien que de laisser un objet suspect non contrôlé ».
Le 13 Août 1949, découverte de la première K.M.A.. Puis entre le 13 et 19 Août, découverte de sept nouvelles K.M.A. Le 19 Août 1949, pétardement des mines avec les artificiers pyrotechniciens de l’arsenal, Messieurs AUGIER et CHAMAND venus de Toulon. Le 26 Octobre 1949 : fin de la mission et départ vers Toulon. Le 12 Décembre 1949, La mission de déminage reçoit un témoignage officiel de satisfaction du Ministère de la Marine, daté du 9 Décembre et signé du secrétaire d’État chargé de la Marine.

Le P/M Maurice FARGUES
avant sa dernière plongée à 120 mètres le 17/09/1947
(© Émile Jean Sevellec)
Au cours de la mission LANGUEDOC, la surprise fut grande quand le Commandant BOURRAGUE apprit aux Plongeurs Démineurs Autonomes qu’ils percevront, comme les scaphandriers lourds qui avaient commencé le déminage, une prime de « mouillage d’habit » et une « prime de risque ». Prime de risque attribuée chaque fois qu’un travail sur champ de mines était effectué. Arrivés à Toulon et après quelques jours de vacances, la vie de marin reprit son cours. Quelques plongées avec les personnels du G.E.R.S., récupération des corps morts et des filets anti-sous-marin, visite des câbles sous-marin etc.
L’État Major de la Marine à Toulon ayant toujours comme objectif l’assainissement de la rade de Toulon, tant en déminage qu’en déblaiement des obstructions, décida une nouvelle fois de prospecter les fonds par la nouvelle méthode : Recherche pendeur par plongeurs autonomes à partir de la V.P.8 [4] du G.E.R.S. (5 plongeurs / 2 extérieurs, 2 intérieurs et 1 central). La recherche fut fructueuse : 3 mines, 9 roquettes ainsi que des munitions diverses.
Fin 1949, toute l’équipe fut dispersée et affectée sur d’autres unités, seuls les plongeurs spécialisés du G.E.R.S. furent réaffectés dans leur Groupe d’Études et de Recherches Sous-marines.
Nouvelle mission
Avril 1950, l’État Major décide d’une nouvelle mission de déminage sur les cotes du LANGUEDOC, avec comme bâtiment base plongeurs, un ancien transport de matériel lourd Italien « L’HERAULT ». L’opération de déminage des côtes de PROVENCE, avec une nouvelle équipe de plongeurs dont il restait quelques anciens, eut lieu entre le 14 juin et le 29 septembre 1950. Cette opération de déminage se déroula avec la même méthode que pour la première mission :
Prospection des zones par pendeur pour le groupe comprenant une quinzaine de plongeurs. Le groupe reçut lors de cette mission l’appui des « commandos marines » venant apporter leur concours au déminage. Ces éléments du Centre Amphibie de la Marine (C.A.M) par rotation d’un mois, venait parfaire leur entrainement en plongée sous-marine. Cette rotation de personnel n’apporta pas beaucoup de cohésion dans le groupe, il fallait constamment améliorer la formation à la plongée des nouveaux arrivants.
Les « commandos marines » firent plusieurs exercices du type, repérage de plage en vue d’un débarquement surprise de nuit. C’était les débuts des nageurs de combat. Cette mission de déminage des cotes du LANGUEDOC se terminait sur un bilan extrêmement positif. Outre le déminage de toute une vaste zone, elle a permis d’ouvrir des chenaux et d’accéder ainsi en toute sécurité aux différents ports de la côte. Elle a aussi permis de valider la prospection par plongeurs sous-marins autonomes des méthodes de recherche : pendeur et carroyage en eaux resserrées.
La S.I.S.M de SAIGON
Le 1er septembre 1949 le Commandant Philippe TAILLIEZ quitte le commandement du G.E.R.S pour le commandement d’un navire à la mer. En novembre 1949 il prend la responsabilité du « MARCEL LE BIHAN » ex tender d’aviation allemand. En début 1949 également le Lieutenant de vaisseau ALINAT, officier en second du G.E.R.S, quitte Toulon pour l’Indochine avec pour mission : Créer un groupe de plongeurs en scaphandre capables d’effectuer diverses interventions mais aussi de s’opposer aux plongeurs ennemis. Non contents d’occuper les rives et les îlots qui fourmillent l’univers aquatique du Mékong, les « viets » ont lancé depuis trois ans des équipes de plongeurs, sans équipement, sans masque ni palmes, respirant en surface avec un simple roseau.

Le tender d’aviation Marcel le Bihan (1951)
(© Collection Philippe Tailliez)
Ces plongeurs très à l’aise dans les eaux noires et limoneuses du fleuve, coupent les amarres des bateaux français, récupèrent des armes et posent des mines sous les coques. Ces actions menées « au toucher » posent un problème quasi insoluble. C’est à la suite de ces opérations que naîtra la Section d’interventions sous-marines (S.I.S.M. / APOWAN).
Le 28 mai 1949 le dragueur de mines « GLYCINE » en patrouille sur le Mékong sombre corps et biens par 25 mètres de fond. Il a sauté sur une mine actionnée de la berge par les vietminh. Il importait que l’épave ne reste pas livrée aux incursions de leurs plongeurs, elle contenait armes, munitions, explosifs et matériels de guerre.
Le Lieutenant de Vaisseau ALINAT se proposa, pour les récupérer et faire sauter les munitions si nécessaire. L’Amiral donna son accord et accompagné du Second maître Guy MORANDIERE, son ancien compagnon du G.E.R.S., le Lieutenant de Vaisseau ALINAT réunit rapidement l’équipement nécessaire, mobilisa quelques plongeurs qui rallièrent l’épave de la « GLYCINE » à bord de l’aviso « CHEVREUIL ». En pleine nuit, il fallut reconnaitre l’épave, pénétrer dans le navire pour extraire les munitions, les armes, déboulonner les affûts de canons, de mitrailleuses et remonter tout ce matériel. ALINAT et MORANDIERE firent sauter la « GLYCINE » avec trois cents kilos de mélinite placés au droit des soutes du dragueur. Cette intervention a été menée, avec une promptitude et une décision admirable, par deux hommes ne disposant que de moyens de fortune. Elle mettait en lumière les services que pouvaient rendre des plongeurs exercés et résolus au cours d’opérations militaires, dans une région typiquement amphibie comme l’Indochine.
C’est ainsi qu’ALINAT et MORANDIERE furent chargés de former et d’équiper une section d’intervention sous-marine (S.I.S.M). Rapidement entre leurs mains, elle devint un organisme efficace, constamment en alerte, prête à toute les besognes : Dégager une aussière enroulée autour d’une hélice, repêcher une coupée, une caisse de munitions, des armes tombées dans le fleuve, renflouer un jonque, un chaland , un engin de débarquement coulé sur une mine au fond d’un rack, découper une épave au chalumeau, déminer le piles d’un pont, démolir des obstructions à l’explosif.
A cette rude et obscure école de l’eau douce, la Marine depuis 1949 a formé des hommes qui rentrés en France, devinrent les premiers cadres de nos unités de plongeurs démineurs.
En mai 1951 MORANDIERE rallie la France, le Lieutenant de Vaisseau ALINAT est nommé au commandement de L’ELIE MONNIER.
Le 15 janvier 1951 le « MARCEL le BIHAN » appareille de Dakar et reçoit l’ordre de faire route vers Saigon, pour participer à l’effort expéditionnaire en ralliant la Division Navale d’Extrême Orient (D.N.E.O). Le 30 mai 1951 le Commandant Philippe TAILLIEZ quitte son commandement pour une affectation à TOURANE, mission : surveillance maritime des cotes (Surmar ANNAM). En juillet 1951 le Commandant TAILLIEZ arrive à Saigon, depuis le départ d’ALINAT et MORANDIERE la S.I.S.M. a périclité, il ne reste plus que deux plongeurs. En quelques semaines la S.I.S.M reprend vie, le Commandant TAILLIEZ reconstitue le groupe, s’attache à parfaire l’entraînement, l’accoutumance aux eaux sombres du fleuve et les missions redémarrent autour d’un noyau solide. Seuls étaient admis les volontaires après une visite médicale sévère.
C’est au cours d’une de ces missions que le Quartier-maître SAPPA est remonté mort, l’embout hors de la bouche. Le Commandant TAILLIEZ va s’équiper du scaphandre du Quartier-maître SAPPA et effectuer, sans rien y changer, une plongée là ou le corps du malheureux a été retrouvé.
En août 1952 le Commandant Philippe TAILLIEZ est rapatrié en France, après quelques mois de repos il reprend le commandement du G.E.R.S en décembre 1952 qu’il quittera en avril 1955 pour être affecté à la « flottille Rhénane du Nord » poste qu’il quittera en août 1956 pour Toulon.
L’École de Plongée de la Marine
La plongée en scaphandre autonome a désormais conquis ses lettres de noblesse et entre dans les moeurs. L’enseignement de la plongée au sein de la Marine Nationale est dispensée en plusieurs écoles. Il y a celle des plongeurs de bord, celle des nageurs de combat et celle des plongeurs démineurs.

Médaillon à l’éfigie des plongeurs-démineurs de l’Elie Monnier
Depuis longtemps le Commandant Philippe TAILLIEZ œuvre pour un regroupement et sera chargé de mettre en place son projet de création de L’École de plongée de la Marine à Saint Mandrier.
Il en devient le premier commandant le 27 septembre 1956.
Le Premier Maître de Manoeuvre Maurice FARGUES, moniteur scaphandrier à l’École des scaphandriers, a rallié l’équipe du G.R.S et le Commandant TAILLIEZ dès les premiers jours.
Maurice FARGUES est mort en service commandé au cours d’une plongée autonome par 120 mètres de fond le 17 septembre 1947.
Le commandant TAILLIEZ dira que la disparition du Premier Maître FARGUES, première victime dans l’histoire de la plongée en scaphandre autonome : « Beaucoup d’entre nous et de nombreux plongeurs en France, sans le savoir, lui doivent la vie ».
Merci à l’Assocation de l’Amicale des Plongeurs Démineurs
Article issu de l’Echo des Grands Fonds (Numéro 60 - Avril 2006). Version PDF
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[1] L’ex-remorqueur de haute mer Allemand « ALBATROS » attribué à la France au titre de dommages de guerre, rebaptisé « Ingénieur ELIE MONNIER » nom de l’ingénieur du génie maritime disparu à Mers el Kebir au cours d’une plongée sur le cuirassé « BRETAGNE ».
[2] Bateau de transport, 2 fois coulé, 2 fois renfloué, 30 ans d’age. Bâtiment base de plongée et de commandement pour cette mission, amarré dans l’avant port de Sète.
[3] 3 plongées d’entraînement de 5 min pour les 10 plongeurs novices avant le départ de Toulon.
[4] Vedette de patrouille équipée pour la plongée en scaphandre lourd et en scaphandre autonome. Le commandement de cette vedette était assuré au G.E.R.S. par le Premier Maître Maurice FARGUES. Elle a été mise à disposition pour la mission de déminage.
Texte et photos : site philippe.tailliez.net